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L’ENNEMI DES FEMMES

comme on ne l’annonçait plus, il s’introduisit dans le salon avec tant de prestesse, que Nadège, plongée dans une rêverie sérieuse et tendre, ne l’entendit pas venir.

Après une journée de labeur intellectuel, elle se reposait dans le rêve d’amour qu’elle faisait de son côté.

Assise dans un grand fauteuil, un peu bas, près d’une fenêtre, elle laissait errer son regard, dans la rue, sur les toits où les lueurs roses d’un soleil moins rigoureux annonçaient l’approche du printemps.

Ses mains étaient cachées dans les larges manches de sa kazabaïka de velours rouge, et son pied qui dépassait le bord inférieur de sa jupe de soie gris-argent laissait voir une petite pantoufle rouge, brodée d’or.

Dans ses cheveux bruns, simplement séparés sur le devant et réunis sur la nuque en un gros nœud, elle avait planté une rose de Bengale, un peu pâle, fleur hâtive, venue dans une petite serre qu’elle entretenait au bout de son salon.

Diogène s’arrêta sur le seuil de la porte, en contemplation, puis courut se jeter aux pieds de sa femme. Elle tressaillit, et, dans le premier moment de surprise, elle lui prit la tête dans ses deux mains, et se pencha sur lui pour lui donner un baiser ; mais, se ravisant aussitôt :

— Quel enfantillage ! dit-elle avec un murmure de gronderie.