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Page:Sacher-Masoch - L’Ennemi des femmes, 1879.djvu/45

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L’ENNEMI DES FEMMES

laient devant lui en le saluant, et, leur note à la main, allaient frapper à la porte du palais, de l’autre côté de la place.

Précédons le major dans le paradis, dont il se flatte de devenir le serpent.

Le mois de juin est commencé. M. et madame Pirowski prennent, après déjeuner, le café dans un kiosque d’un goût superlativement oriental, construit au milieu de leur jardin. Petrowna vient d’allumer la longue pipe turque de son père, qui se prépare à dormir sur son journal. Madame s’occupe d’un ouvrage de broderie, qu’elle n’a pas commencé et qu’elle ne finira jamais, tandis que Léopoldine dévore, de ses grands yeux, un roman de George Sand.

Les trois dames portent l’élégant négligé polonais, c’est-à-dire une jupe traînante de soie, sans aucun ornement, une kazabaïka, garnie de fourrure, et des pantoufles également en fourrure.

M. Pirowski était toujours en grande toilette. À cheval sur les principes et sur les vieux usages, il était toujours prêt à monter à cheval en réalité sur son petit cheval cosaque. Il ignorait la mode des robes de chambre. Chaussé de bottes en maroquin noir, aux mille plis, vêtu d’un pantalon blanc, avec une veste de drap feutré, bleu et blanc, et une ceinture dorée, il avait vraiment bon air. Son abondante chevelure blanche, soigneusement séparée par le milieu, tombait sur son cou robuste en boucles naturelles qui contrastaient avec sa barbiche noire,