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L’ENNEMI DES FEMMES

qu’il ne m’envoie rien de bon… Ah ! vous laisserez entrer cette jeune fille qui m’a écrit hier pour m’annoncer sa visite.

— Oui, panna. Il y a en bas un homme qui attend, depuis une heure, la faveur d’une audience.

— Pourquoi ne l’avez-vous pas renvoyé ? qui est-ce ?

— Un paysan, un vieillard.

— Voilà, ma chère, deux raisons pour ne pas le faire attendre. Le travail et la vieillesse n’ont pas le temps de faire antichambre. Dites-lui de monter.

Mademoiselle Scharow partit en emportant les papiers ; et, deux minutes après sa sortie, un petit homme maigre, chétif, au nez pointu, mais aux yeux extraordinairement brillants, parut sur le seuil de la chambre.

Le costume de ce petit-russien annonçait une certaine aisance ; car, malgré l’étouffante chaleur de ce jour-là, il ne portait pas de vêtements de toile, et au lieu d’aller pieds nus, il était chaussé de grandes bottes noires. Sur une large culotte bleue tranchait son gilet rouge ; son pardessus de drap noir tondu, aux coutures écarlates, complétait l’ajustement. Il tenait d’une main un grand chapeau de paille, qu’il avait probablement fabriqué lui-même, et de l’autre un sac de toile bleue dans lequel s’agitait un volatile.

En entrant dans la chambre, le petit vieillard jeta autour de lui un regard de religieux effarement, comme s’il eût pénétré, par une faveur