Page:Sacher-Masoch - L’Ennemi des femmes, 1879.djvu/76

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
66
L’ENNEMI DES FEMMES

reviendrai. Aujourd’hui, je veux être tout à la joie de vous voir. Je vais raconter à mon fils comme vous êtes belle, aussi belle que bonne !

— À bientôt donc, monsieur Gaskine.

Le paysan s’agenouilla de nouveau, baisa le bas la robe de Nadège, et sortit.

Nadège avait reconduit le vieillard jusqu’à la porte.

Elle revint à son fauteuil, rêveuse.

— Voilà la vraie récompense ! se dit-elle ; ah ! c’est un bonheur de se dévouer pour ces cœurs naïfs.

Elle eut un soupir, et reprit en remuant la tête :

— Hélas ! cela ne fait pas oublier ! Le cœur peut guérir les autres cœurs ; mais ne se guérit jamais. La douleur le rend bon, mais ne l’apaise pas.

Elle reprit sa place dans son fauteuil et parut se laisser entraîner dans une songerie lointaine, qui l’emportait loin du journal, loin de sa maison, loin de sa solitude.

Elle resta près d’une demi-heure dans cette méditation, dont elle fut tirée par des coups discrets frappés à la porte de la chambre.

Sa servante petite-russienne lui annonça qu’une jeune dame voilée, arrivée dans une britschka arrêtée à la porte, demandait à lui parler.

Nadège se souvint de la lettre qu’elle avait reçue la veille et donna l’ordre de laisser monter.

Un instant après Petrowna — car c’était elle — était introduite auprès de madame Ossokhine.