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L’ENNEMI DES FEMMES

Jaroslaw, malgré son respect pour le philosophe, faillit s’élancer à son cou.

— Je pose cependant une condition, dit Diogène.

— Laquelle ?

— Je trouve dans tout ce que vous m’avez récité l’indignation des grandes âmes contre l’amour ; mais il manque une pièce qui résume ce que la fierté masculine peut revendiquer contre la tyrannie des femmes. Écrivez cette pièce-là, un réquisitoire contre nos mauvais génies, et je vous prédis un grand succès. Acceptez-vous la condition ?

Jaroslaw promit volontiers un chef-d’œuvre. Il passa la nuit à composer un poème violent, insensé, mais séduisant après tout pour le vulgaire, par une sorte de verve capiteuse. Sans recevoir d’indication précise, il avait deviné qu’il fallait faire allusion aux femmes écrivains, à celles qui, sous prétexte d’émancipation populaire, justifient leur propre trahison envers les lois de la pudeur, du ménage, de l’amour.

Le pamphlet était odieux. Diogène en l’écoutant eut la sueur de honte qu’un vrai lettré et qu’un homme d’esprit devait se sentir au front.

— C’est très bien ! dit-il néanmoins, quand Jaroslaw eut fini. Allez vite à l’imprimerie !

Un mois après, Jaroslaw pouvait lire son nom aux vitrines des libraires. Son recueil était discuté dans tous les cafés ; les journaux de Cracovie l’avaient reçu ; et dans la ville on parlait du nouveau poète proclamé par Diogène.