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Page:Sacher-Masoch - La Femme séparée, 1881.djvu/136

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LA FEMME SÉPARÉE

de Julian ; son imagination s’enflamma durant mon absence. Il m’écrivit des lettres ardentes, et, quand je me rendis à Lwow, au bout de quelques semaines, pour y faire des achats, il faillit me serrer dans ses bras en présence de sa mère. Celle-ci, de son côté, se montra plus aimable que jamais. Elle m’invita à demeurer auprès d’elle, ce que j’acceptai de bien bon cœur.

Le soir, lorsque toutes mes emplettes furent terminées, je retournai chez les Romaschkan. Julian nous conduisit, pour la première fois, dans son cabinet de travail. Je demeurai presque intimidée devant les rayons de la haute bibliothèque, les grands bustes de marbre de Virgile et de Socrate, une mignonne petite tête de mort en ivoire, dont le fini étonnait, et un grand sablier ; mais mon sérieux se changea en une folle gaieté lorsque j’aperçus, parmi de ravissants bibelots pompéiens, une curieuse collection de petits hommes et de chevaux découpés dans du papier. La fiancée de Julian, Élisa, m’expliqua ce qu’ils signifiaient.

— C’est notre ménage futur, dit-elle joyeusement. Ça, c’est Julian, ça, c’est moi ; ça… — Elle hésita et devint toute rouge, car autour de la table se dressait toute une petite famille en carton. — Et voilà nos chevaux ! s’écria-t-elle vivement ; il y en a de toutes les dimensions. Et, maintenant, je vais