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Page:Sacher-Masoch - La Femme séparée, 1881.djvu/144

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LA FEMME SÉPARÉE

voir, il jouait la comédie à travers la vie, et malheur à ceux à qui son imagination distribuait des rôles imaginaires ! Si ma liaison avec Julian ne finit pas par un drame, avec poison et coups de poignard, ce n’est pas à lui, certes, que nous le devons.

Julian ne me revit que dans la salle de bal. La salle était toute brillante de lustres et de femmes parées des plus beaux ornements. J’entrai, — j’avais tout calculé d’avance, — vêtue simplement, et comme une créature appartenant à un monde inconnu. Je portais une longue robe d’une pâleur laiteuse, aux plis tombants ; mes cheveux dénoués se répandaient sur mes épaules, entrelacés de larges fleurs blanches qui formaient un diadème sur ma tête.

— Vous n’êtes pas une femme, s’écria Julian en m’apercevant, vous êtes une maja ![1]

— Je ne vous comprends pas, lui dis-je d’un ton glacial.

— Ce sont de ravissants êtres aériens qui habitent les lierres de la montagne. Leurs corps sont comme revêtus de blanches mousselines. Ils bâtissent des ponts d’argent sur un lac, d’une rive à l’autre. Puis ils se baignent dans ses ondes, se couronnent de

  1. « Elfe des Carpathes. »