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Page:Sacher-Masoch - La Femme séparée, 1881.djvu/161

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LA FEMME SÉPARÉE

» — On étouffe ; ouvre la seconde fenêtre, dit-elle d’un ton bref.

» Je m’empressai d’obéir. Par un mouvement brusque, elle dégrafe sa jaquette et retombe en arrière. Eh bien ! vrai, elle a raison. Je n’ai pas eu pitié d’elle, elle n’a pas pitié de moi aujourd’hui ! Tandis que je supplie à ses pieds, elle se penche, m’attire sur sa poitrine et m’enveloppe de ses longs cheveux ; il me semble que mon sang ruisselle, que les deux bras de la vierge d’airain me tiennent, suffoqué, et je prends peur tout à coup de l’abîme dont je contemple le fond.

» — Attendons, murmurai-je. Nous sommes purs encore, maintenant. Dans un instant, nous serons…

— » Des anges tombés, s’écria-t-elle. Et tu vois ! tes principes dont tu étais si fier gisent à mes pieds, en lambeaux, tout comme tes petits chevaux de papier.

» Je sentis à cette heure comment le marbre peut s’animer et peut vivre, et peut dévorer de son ardeur. Et ma poitrine aussi s’enflamma comme de la paille sèche ; je me courbai à ses pieds, balbutiant des supplications et des prières. Je voulais ce que j’avais redouté comme la mort, je l’exigeais ! Elle me donna un léger coup de pied alors, et se mit à rire. Oh ! ce rire âpre de triomphe, je l’entends encore à mes oreilles.