était seigneur de Tudiow. Nous habitions à Lwow. Ce qui fit mon malheur, c’est que ma mère mourut de bonne heure.
Ma beauté me corrompit jeune et étouffa tous les germes de bonté que je possédais. Mon père négligea mon éducation. Son plus grand plaisir était de m’attifer de vêtements somptueux, comme une poupée de modiste. Chaque jour, je recevais une nouvelle toilette. Comme nous passions ordinairement l’hiver en ville et l’été sur nos terres, il arriva que j’oubliais régulièrement au second semestre tout ce que j’avais appris pendant le premier semestre. J’eus un professeur d’histoire, de géographie et d’arithmétique ; un autre pour la musique, un troisième pour le dessin ; j’eus une institutrice française, une anglaise, une allemande, et cependant, lorsque j’atteignis mes seize ans, que je commençai à porter des traînes de soie et que mes épaules s’arrondirent, je n’étais encore qu’une enfant terrible, un gamin vaniteux, oisif et ignorant, en vêtements de femme. Comment voulez-vous aussi, dans ma position, qu’il me fût possible de rester modeste et laborieuse ?
J’avais à peine quinze ans qu’un peintre célèbre supplia mon père de me laisser poser pour lui en costume antique. Durant les séances, il compara ma tête à celles de plusieurs statues remarquables,