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XVII

UN BEAU RÊVE

Rien ne fait la joie de l’enfer comme de séparer les cœurs.
AUFFENBERG.

Anitta était à son piano et jouait un nocturne de Chopin, lorsque Henryka passa d’abord la tête à travers la portière et entra ensuite rapidement. Anitta interrompit son morceau et sauta au cou de son amie. Elles s’embrassèrent et se tinrent tendrement enlacées.

« Est-ce vrai ? demanda Henryka, peut-on t’adresser des souhaits de bonheur ?

— À moi ? et pourquoi ?

— Pour tes fiançailles.

— Avec qui ? » Anitta avait un peu rougi.

« Pourquoi t’en défendre ? toute la ville en parle, tout le monde t’envie.

— Mais, Henryka, je ne sais pas ce que tu veux dire.

— Oh !… tu vas devenir comtesse Soltyk. Ce n’est plus un secret.

— Ah ! grand Dieu !… Cela ne peut cependant pas se faire sans mon consentement, dit Anitta d’un ton sérieux, je ne suis pas une poupée qu’on donne sans plus de cérémonies.

— On raconte pourtant que Soltyk t’aurait demandée en mariage.

— Le ciel m’en préserve !

— Anitta, tu n’es pas raisonnable ; c’est le plus beau des hommes et le plus riche des magnats.

— C’est possible, mais je ne l’aime pas, et je ne l’aimerai jamais.