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LA PÊCHEUSE D’AMES.

« Es-tu satisfaite du résultat de ta visite ? demanda le jeune officier.

— Oui, et j’espère que toi aussi tu seras satisfait.

— Que dois-je entendre par là ?

— Patiente un peu de temps encore et tu sauras tout. »

Quand Zésim fut en selle, ils repartirent d’un bon trot pour la ville. Le domestique suivait à une certaine distance. À moitié chemin, Dragomira mit son cheval au pas, et Zésim fit comme elle.

« J’ai beaucoup de choses à te dire, commença-t-elle.

— Bonnes ou mauvaises ?

— Cela dépend de toi, Zésim.

— Toujours de nouvelles énigmes.

— Non, cette fois je veux te parler ouvertement, comme jamais encore je ne l’ai fait. M’aimes-tu, Zésim ?

— Tu le demandes encore ?

— Et tu me veux pour femme ?

— Oui.

— Alors prends-moi, je suis à toi.

— À moi, Dragomira ? Parles-tu sérieusement ? s’écria-t-il. Quel bonheur ! Je puis à peine y croire !

— Je consens à te suivre à l’autel, mais sous des conditions que tu es libre d’accepter ou de refuser.

— J’accepte toutes les conditions.

— Écoute seulement. Te souviens-tu de ces esprits qui apparaissent souvent dans les vieux contes et les antiques ballades, dont on ne sait s’ils sont démons ou anges, et qui, en échange de certains services, vous promettent aide et protection ? Si j’étais un être de cette espèce, t’abandonnerais-tu à ma conduite ?

— Oui, car tu es mon bon ange.

— Je t’aime, Zésim, continua Dragomira ; aussi je ne veux pas seulement te rendre heureux sur la terre, autant que je le pourrai, mais je veux encore sauver ton âme et t’aider à obtenir le ciel.

— Mais alors tu appartiens à une secte, comme je m’en étais déjà douté.

— Si tu veux m’avoir pour femme, reprit Dragomira sans s’arrêter à son observation, il faut que tu suives la route que je te montrerai. Elle te conduira au bonheur, et, quand l’heure sonnera, à la rédemption, à la félicité éternelle.

— Je veux tout ce que tu veux, Dragomira. »