Page:Sacher-Masoch - La Pêcheuse d’âmes, 1889.djvu/164

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

XXV

LA VÉNUS DE GLACE

Je veux triompher de cet homme, ou je consens à n’avoir jamais eu d’intelligence.
MORETO.

Le comte Soltyk avait invité la belle société de Kiew à une fête masquée qu’il donnait dans son palais. Tous les jeunes cœurs battaient joyeusement, mais les messieurs et les dames d’un âge plus avancé attendaient aussi la soirée avec impatience, car on savait qu’avec Soltyk on pouvait espérer non seulement une réception brillante et somptueuse, mais encore des inventions originales et même bizarres, et une série de surprises charmantes.

Il était à peu près huit heures du soir. Les premiers équipages arrivaient, et le comte Soltyk, en toilette parisienne irréprochable, avait donné les derniers ordres. Bientôt apparurent toutes les zones de la terre et toutes les saisons de l’année qui semblaient s’être réunies pour transformer les vastes et splendides salons du palais en un monde féerique.

Le comte, en haut du large escalier de marbre, recevait ses hôtes et laissait à un de ses parents, M. de Tarajewitsch, au P. Glinski et à son majordome, le soin de les conduire dans l’intérieur du palais. Les arrivants étaient littéralement éblouis, et l’admiration, le ravissement augmentaient à chaque pas.

Aussitôt qu’un des cosaques postés à l’entrée eut donné un signal convenu avec un sifflet d’argent, Soltyk descendit rapidement l’escalier pour recevoir la famille Oginska dans le vestibule, et l’introduire lui-même dans son monde enchanté. Dragomira était venue avec les Oginski ; le comte la remercia