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XIV

TRAITÉ D’ALLIANCE

Le voir prisonnier, tel est mon désir.
CALDERON, Sémiramis.

C’était une magnifique journée d’hiver, froide, mais claire et brillante de soleil. Seulement, dans le lointain, autour de la forêt et sur le fleuve, s’étendait une légère brume blanche, pareille à un voile de fée brodé d’or. Le ciel était serein, d’un bleu doux ; le soleil avait un éclat joyeux ; sa chaude lumière ruisselait en millions de gouttes étincelantes sur la neige qui couvrait la terre, les arbres et les toits des chaumières, sur les glaçons suspendus aux gouttières et aux branches. Les rabatteurs, paysans des villages du comte, étaient partis dès l’aube, dirigés par les gardes. Ils cernaient la forêt et avaient allumé de grands feux pour effrayer et repousser les loups et les empêcher de s’échapper.

Dans la cour, les veneurs étaient rassemblés sous la conduite du forestier ; et les grands dogues couplés, étendus çà et là, poussaient de temps en temps un aboiement de joie et d’impatience.

Dans la salle à manger, décorée de bois de cerfs, de têtes d’ours et de loups, de grands hiboux empaillés, d’armes et de tableaux de chasse, la société s’était réunie pour le déjeuner. Mme Maloutine déclara qu’elle aimait mieux rester à la maison. Mme Monkony, jolie femme de trente-six ans au plus et d’une beauté opulente, devait prendre part à la chasse avec sa fille et Dragomira.

On avait décidé d’adjoindre un cavalier à chaque dame et de tirer au sort pour former les couples. Mais Dragomira réclama.