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LA PÊCHEUSE D’AMES.

et remue ciel et terre dans son désir de vengeance, quand on s’oppose à ses vœux ; je suis une prêtresse et je sers le Tout-Puissant. Pourquoi vous êtes-vous jeté dans ma toile et avez-vous brisé mes fils ? Maintenant vous êtes dans mon filet, et je vous immolerai, non pour me venger, mais uniquement pour vous arracher aux supplices éternels en vous punissant sur cette terre. Vous mourrez aujourd’hui même.

— Grâce ! grâce ! criait d’une voix suppliante et les mains tendues vers Dragomira Tarajewitsch à genoux.

— Relevez-vous, lui répondit-elle, suivez-nous. Faites au prêtre qui vous attend un aveu repentant de vos péchés et expiez-les par une immolation volontaire.

— Suis-je en proie au délire ? s’écria Tarajewitsch.

— Si vous voulez vous réconcilier avec Dieu, prenez la route que je vous montre, continua Dragomira. Si vous restez dans l’endurcissement et l’impénitence, alors j’essayerai de sauver votre âme en vous traînant de force à l’autel, et là je vous sacrifierai comme autrefois Abraham voulait sacrifier Isaac.

— Non, je ne veux pas mourir ! murmurait Tarajewitsch tremblant de tous ses membres. Je veux faire pénitence ! Mais je ne sacrifie pas ma vie ; Dieu ne peut pas me la demander ; c’est de la folie !

— Vous êtes encore libre, dit Dragomira, choisissez, la route vers la lumière éternelle est ouverte devant vous.

— Non, non, je ne veux pas mourir ! criait Tarajewitsch.

— Alors, en avant ! ordonna Dragomira, nous n’avons plus de temps à perdre. »

Karow, rapide comme l’éclair, s’élança sur le prisonnier. Il le jeta par terre avec sa force de géant et lui mit le genou sur la nuque. Les deux jeunes filles vêtues en paysannes purent facilement attacher la victime tremblante. Elles lièrent les mains et les pieds de Tarajewitsch et le traînèrent dans la vaste salle voûtée, éclairée par des torches, où le prêtre l’attendait. Les autres suivaient.

Lorsque le malheureux se trouva étendu aux pieds de l’apôtre et que celui-ci commença à l’exhorter, il espéra encore se sauver par l’humilité et la soumission. Il fit une confession complète et demanda lui-même une pénitence sévère et une rigoureuse punition.

« Tu seras satisfait, dit l’apôtre ; prends-le, Dragomira.

— Non, non, pas elle ! Elle me tuera ! dit Tarajewitsch en gémissant.