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XVIII

LA PÊCHEUSE D’AMES

Pour tout homme vient le moment où le conducteur de son étoile lui remet à lui-même les rênes de sa destinée.
FR. HEBBEL.

Mme Maloutine avait donné son consentement au mariage de sa fille avec Soltyk. Le comte touchait enfin au but ; il allait posséder la belle adorée et jouir de la suprême félicité sur cette terre.

Le lendemain matin, Dragomira prit les dispositions nécessaires. Elle jouait déjà complètement son rôle de maîtresse et de souveraine, et tous lui obéissaient, comme s’il ne pouvait pas en être autrement.

Pendant le déjeuner, alors que le comte pouvait à peine détourner d’elle un moment ses regards enflammés et ravis, elle donna l’ordre d’atteler un traîneau et pria le jésuite de l’accompagner à Kiew. Glinski avait pour mission d’avertir la famille Oginski et de la calmer. Dragomira voulait s’entretenir avec Zésim.

« Vous, restez ici, dit-elle à Soltyk. Ma mère et Henryka vous tiendront compagnie. Je reviendrai ce soir, au plus tard demain matin. »

Le comte soupira, affirma qu’une séparation de quelques heures lui semblait déjà longue comme une éternité, demanda en suppliant la permission d’aller aussi à Kiew, et jura qu’il ne gênerait en rien Dragomira. Mais elle resta inébranlable, et il finit par se soumettre, quoique avec le cœur serré.

Le traîneau était avancé. Dragomira baisa la main de sa mère et descendit l’escalier au bras de Soltyk. Quand elle fut