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LA PÊCHEUSE D’AMES.

Mais au même moment Tarass se précipita entre elle et Anitta et la désarma.

Dragomira, se voyant perdue, se sauva de l’autre côté du mur protecteur. La porte se ferma derrière elle. Pour le moment, elle était en sûreté.

La situation était des plus dangereuses, mais Dragomira ne perdit pas la tête un seul instant. Elle rassembla en toute hâte tous les gens de la maison et leur donna les ordres nécessaires.

Elle fit passer Juri par dessus les murs du jardin voisin et l’envoya à Bassi pour l’avertir. Dschika s’esquiva par la porte de derrière et partit à la rencontre de Zésim pour le conduire à l’Image de la Mère de Dieu, sur la route de Chomtschin, pendant que Tabisch sellait le cheval préparé pour Dragomira.

Juri arriva sans encombre auprès de la juive, qui faisait le guet à l’angle de la rue, et tous les deux gagnèrent le cabaret en faisant un détour. En revanche, le traîneau de Zésim arriva avant que Dschika eût pu le rencontrer, et fut arrêté par Tarass.

« Qu’est-ce qu’il y a ? demanda le jeune officier avec impatience.

— On a découvert un complot dirigé contre votre vie, répondit le vieux cosaque ; dans cette maison qui est là, la prêtresse et le couteau du sacrifice vous attendent.

— De qui parles-tu ?

— De Dragomira. »

Une femme à la taille svelte s’approcha.

« C’est moi, dit une douce et aimable voix, je l’ai démasquée ; et j’ai failli expier par ma mort mon amour pour vous.

— C’est avec ce poignard qu’elle a voulu tuer ma chère demoiselle, dit Tarass, en présentant le yatagan à Zésim.

— Tarass a paré le coup.

— Dragomira ! est-ce possible ? murmurait Zésim. Elle ? Une prêtresse de cette secte abominable ?

— Oui, Dragomira, répondit Anitta, ce démon à figure d’ange. Elle ne vous a attiré à elle que pour vous immoler sur l’autel de son dieu. Vous vous croyiez aimé et vous étiez dans les mains sanglantes d’une pêcheuse d’âmes.

— Mon Dieu ! mon Dieu ! s’écria Zésim, et il cacha sa tête dans ses mains.

— Il nous faut partir d’ici, dit Tarass, ses gens sont dans le voisinage. Qui sait ce qui peut arriver ? »