Aller au contenu

Page:Sacher-Masoch - La Pêcheuse d’âmes, 1889.djvu/317

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
313
LA PÊCHEUSE D’AMES.

votre appel. Je ne trahirai pas votre retraite ; mais vous ne serez pas longtemps en sûreté, même à Moscou. Fuyez aussi promptement que possible à l’étranger avant que d’autres ne suivent vos traces et vous découvrent. Songez à ce qui vous attendrait.

« ZÉSIM. »

Il donna cette lettre au messager qui partit en l’emportant, puis il se rendit à la police. Il fit au directeur de la police une communication détaillée sur l’existence et les actes de la secte qui jusqu’alors avait jeté en secret ses filets mystérieux dans Kiew, y avait fait tomber ses victimes et les avait livrées au couteau.

Il indiqua ses repaires et nomma plusieurs de ses membres. Mais il garda le silence sur le rôle que jouait Dragomira dans cette horrible association.

Le directeur de la police prit sur-le-champ toutes ses dispositions et envoya des hommes de confiance dans toutes les directions. D’abord le cabaret Rouge fut cerné. Un bateau, garni de soldats de police, surveilla le côté de l’eau, pendant qu’un chef suivi d’agents frappait à la porte. Personne ne répondit. On envoya chercher un serrurier qui ouvrit. La cour était vide ; la maison semblait inhabitée. Quand la porte fut ouverte et que la police pénétra dans le cabaret, il fut bien évident que les habitants s’étaient enfuis en toute hâte et dans le plus grand désordre. Tout était pêle-mêle ; un certain nombre d’objets gisaient même éparpillés sur le plancher. On interrogea les voisins ; ils répondirent que la cabaretière et ses compagnons étaient partis en barque et avaient remonté le fleuve.

La maison où Dragomira avait fait apparaître au comte les âmes de ses parents était également vide.

Un employé de la police s’était rendu auprès du marchand Sergitsch et l’avait questionné. Sergitsch fit comme si toutes ces aventures lui étaient inconnues : il montra un naïf étonnement à quelques-unes des questions qu’on lui adressa ; il en accueillit d’autres avec un air de parfaite incrédulité, comme si on lui débitait des contes.

« Il est pourtant bien constaté, dit l’employé, qu’une jeune dame venait chez vous de temps en temps, qu’elle s’habillait en homme et qu’elle allait ensuite au cabaret Rouge.

— Ah ! on sait cela ? dit Sergitsch, alors je n’ai plus rien à