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XXII

LES TOURMENTS DES DAMNÉS

Laissez toute espérance, vous qui entrez.
DANTE.

Les jours de délices et de douce ivresse se succédaient.

Dragomira, dans les bras de son mari, semblait avoir complètement oublié l’univers, les dangers qui la menaçaient, sa mission et ses horribles devoirs.

Un soir, Henryka apparut. Elle revenait de Kiew, où l’Apôtre l’avait envoyée pour prendre connaissance de la situation et lui en faire son rapport. Elle frappa doucement à la porte ; Dragomira eut peur ; il lui sembla qu’un sérieux et sinistre avertissement résonnait à son oreille. Elle s’arracha à Soltyk, rajusta sa chevelure qui couvrait ses épaules du ruissellement de ses molles ondes d’or, et sortit.

« Quelles nouvelles apportes-tu ? » demanda-t-elle à Henryka.

Celle-ci se jeta à son cou et l’embrassa passionnément ; puis elles s’assirent toutes les deux près de la cheminée et causèrent à voix basse.

« Je viens de la ville, dit Henryka qui tenait dans sa main la main de Dragomira, cela va mal ; jusqu’à présent on n’a découvert aucun des nôtres ; mais ils errent çà et là dans les environs comme du gibier fugitif ; la police est sur leurs traces, et, ce qui est encore pire, sur les nôtres. Anitta a disparu, on ne sait pas où, et Zésim est un de nos plus acharnés persécuteurs. »

Dragomira regarda la flamme rouge du foyer et ne dit rien.