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Page:Sacher-Masoch - La Pêcheuse d’âmes, 1889.djvu/322

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LA PÊCHEUSE D’AMES.

La portière fut soulevée au même moment et le prêtre apparut sur le seuil de la chambre.

« Voici la victime que tu as demandée, dit Dragomira ; prends-la. Ma mission est remplie. J’attends les nouveaux ordres que tu voudras me donner. »

L’Apôtre fit d’abord conduire le comte dans un des caveaux souterrains ; et là, chargé de chaînes, dans la nuit et dans la solitude, le malheureux resta jusqu’au lendemain sans manger ni boire. Alors l’Apôtre apparut lui-même pour exhorter le pécheur au repentir et à la pénitence.

Soltyk ne daigna pas d’abord répondre un seul mot ; et lorsque l’Apôtre, de plus en plus pressant, s’adressa à sa conscience, il se redressa fièrement et dit :

« C’est par la ruse, la trahison, la violence, que je suis tombé entre tes mains, et tu peux me faire ce que tu voudras. Mais personne ne me forcera à m’abaisser devant toi, à me soumettre volontairement à tes ordres sanguinaires. Le comte Soltyk peut être un pécheur, mais jamais personne ne le verra poltron ni lâche ! »

Quand le prêtre eut épuisé, sans réussir, son talent de persuasion avec le prisonnier, il remonta à l’étage supérieur du temple.

« Il est orgueilleux comme ne l’a jamais encore été aucun de ceux que nous avons eus ici, dit-il à ses fidèles, il faut le ployer avant de songer à sa pénitence.

— Laisse-moi briser son orgueil, dit Henryka.

— Non, répondit l’Apôtre ; le danger croît de jour en jour. Nous n’avons pas de temps à perdre. Pour triompher de ce criminel, il faut des bras plus forts que les tiens, jeune fille. »

Il fit un signe : Karow et Tabisch, ayant chacun un fouet à la main, descendirent dans le caveau.

Au bout d’une heure Karow revint annoncer qu’ils avaient tout fait, mais qu’il ne cédait pas.

L’Apôtre fronça les sourcils.

« C’est ce que nous allons voir, » murmura-t-il.

Il descendit lui-même dans les régions souterraines de l’ancien château des Starostes, et ordonna d’amener le comte devant lui. On le conduisit tout enchaîné dans une salle voûtée, où une lampe suspendue au plafond et un bassin rempli de charbons allumés répandaient une lueur sinistre. L’Apôtre était assis sur une chaise adossée à la muraille ; ses pieds reposaient sur une peau d’ours. À l’écart et dans l’ombre se tenaient ses aides, prêts à obéir au premier signe.