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Page:Sacher-Masoch - La Pêcheuse d’âmes, 1889.djvu/324

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LA PÊCHEUSE D’AMES.

calme ; veux-tu éveiller dans ton âme le repentir et la douleur, et me confesser tes péchés ?

— Non. »

Le prêtre fit un signe, et les deux jeunes filles recommencèrent à le torturer.

Soltyk poussa de nouveau un grand cri, un cri effrayant.

« Pitié, dit-il d’une voix suppliante.

— Te soumettras-tu ?

— Oui.

— Es-tu disposé à t’humilier ?

— Oui. »

L’Apôtre ordonna de le détacher. Quand Soltyk fut là devant lui, le regard abaissé vers la terre, les mains liées derrière le dos, ce n’était plus que l’ombre de cet homme si fier que Kiew admirait autrefois.

« La pénitence que nous imposons de force, continua l’Apôtre, n’a pas la valeur de la soumission volontaire aux ordres de Dieu. Penses-y bien. L’humilité me semble être pour toi une pénitence incomparablement plus grande que n’importe quelle terrible torture. Je veux voir si tu es capable de dompter ton orgueil au point de t’humilier devant moi de ta pleine volonté. Si tu le fais avec joie et enthousiasme, tant mieux pour toi et pour le salut de ton âme ! »

On débarrassa Soltyk de ses chaînes.

« Viens ici, dit l’Apôtre avec une froide majesté et semblable dans sa longue pelisse à un despote asiatique assis sur son trône, je suis à la place de Dieu et tu dois te prosterner devant moi, pauvre pécheur. »

Soltyk hésita un instant, puis se jeta à genoux devant le prêtre.

« Plus près, mon fils, continua l’Apôtre, mets-toi à mes pieds, le visage contre terre, pour que je puisse faire plier ton cou orgueilleux. »

Soltyk fit ce qui lui était ordonné.

« Je suis ton maître, dit le prêtre en posant son pied sur la nuque du comte, et tu es mon esclave. »

Au moment où le pied du prêtre le touchait, Soltyk sentit son orgueil d’homme se réveiller. Il se releva d’un bond et se précipita sur le prêtre avec fureur. Mais celui-ci, qui était toujours préparé à de pareilles attaques, le frappa au visage avec la tête du fouet caché près de lui. Soltyk recula en chancelant. Au même moment, les hommes le saisissaient et l’enchaînaient de nouveau.