XXIII
LA DERNIÈRE CARTE
Zésim arrivait du champ de manœuvres, lorsque le P. Glinski entra chez lui.
Le jésuite, autrefois si élégant, si aimable, si parfait homme du monde, s’était singulièrement transformé dans les derniers jours. Il paraissait vieilli de plusieurs années ; son visage tourmenté était pâle et sillonné de rides profondes ; sa chevelure, d’ordinaire si soigneusement arrangée, tombait en désordre sur son front ; ses yeux avaient perdu leur sourire pour prendre une expression inquiète et soucieuse. Sa toilette dénotait une certaine négligence. Évidemment, il était resté plusieurs jours et plusieurs nuits sans se déshabiller.
Il tomba épuisé sur une chaise et regarda le jeune officier d’un air triste et désespéré.
« À quoi dois-je l’honneur de votre visite ? dit enfin Zésim.
— Ne savez-vous pas ce qui est arrivé ? répondit Glinski.
— Que voulez-vous dire ? Tous ces jours-ci un événement chasse l’autre.
— J’étais depuis longtemps déjà sur la piste de ces abominables intrigues, de ces crimes que vous savez, dit le jésuite : mais au moment décisif, j’ai faibli, j’ai été aveuglé, je me suis laissé égarer. Jamais je ne me le pardonnerai. Ô mon pauvre comte !
— Quoi ! il est arrivé un malheur à Soltyk ?
— J’en ai peur, répondit Glinski. C’est une véritable fatalité ! Elle a fondu sur nous si brusquement que j’en ai perdu toute