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Page:Sacher-Masoch - La Pêcheuse d’âmes, 1889.djvu/328

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LA PÊCHEUSE D’AMES.

— Alors mes soupçons peuvent être fondés, continua Zésim ; c’est sur le domaine de Mme Maloutine à Bojary, et dans le château d’Okozyn qui n’en est pas éloigné, que cette secte doit exercer ses sinistres pratiques.

— Mais alors, comment pénétrer dans ces endroits sans perdre Dragomira ? » demanda Glinski tout perplexe.

Zésim garda le silence pendant quelques instants. Un pénible combat se livrait dans son cœur. Enfin il tendit la main à Glinski et dit : « Je ne puis pas prendre la responsabilité de sacrifier une vie humaine par égard pour Dragomira. Je lui ai répondu, je l’ai avertie, je lui ai conseillé de fuir. Si elle est restée là, je n’ai aucun reproche à me faire. L’épargner plus longtemps, c’est devenir le complice de ses forfaits. Venez, allons à la police et prenons sur-le-champ toutes les dispositions qui peuvent servir à délivrer le comte des mains de ces fanatiques.

— Je vous remercie, répondit Glinski, je respire. Voilà enfin un rayon d’espérance ! Je suis prêt. Partons. »

Les deux hommes descendirent rapidement l’escalier, appelèrent un cocher qui passait, sautèrent dans le traîneau et se rendirent à la police, où ils furent immédiatement reçus par le directeur. Zésim lui communiqua tout ce qu’il savait, en grande hâte, et l’on combina aussitôt les mesures les plus complètes. Il fallait s’attendre à une vive résistance ; aussi réunit-on toutes les forces disponibles ; les agents furent armés jusqu’aux dents. Au bout d’un quart d’heure à peine, trois expéditions différentes se mettaient en mouvement, l’une vers Myschkow, la deuxième vers Bojary, la troisième vers Okozyn.

Cependant, au même moment, des messagers à cheval, envoyés par Sergitsch, partaient au galop dans les mêmes directions, pour avertir du danger qui les menaçait les frères et les sœurs de la sanguinaire association.

Le jésuite et Zésim s’étaient joints à l’employé qui, avec une demi-douzaine d’agents et autant de soldats de police, se rendait rapidement à Myschkow. Ils y arrivèrent à midi, se postèrent autour du manoir et demandèrent à entrer. Pendant longtemps personne ne se montra. Enfin, après avoir frappé à coups redoublés, ils virent apparaître une vieille femme habillée en paysanne qui leur ouvrit. On lui demanda s’il y avait quelqu’un dans la maison. « Il n’y a personne, dit la bonne femme, personne absolument : la maison appartient à une confrérie pieuse. »