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Page:Sacher-Masoch - La Pêcheuse d’âmes, 1889.djvu/330

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LA PÊCHEUSE D’AMES.

dans le second, un homme à qui l’on avait crevé les yeux et arraché la langue gisait sur de la paille pourrie. Il leva des bras suppliants et fit entendre des sons inarticulés, semblables à des cris de bête. Il y avait plusieurs cachots vides. Dans l’avant-dernier se trouvait une femme enchaînée et à moitié nue ; elle était devenue folle pendant les affreux supplices qu’elle avait évidemment dû souffrir. Ses épaules portaient les traces des coups de fouet ; sur ses mains et ses pieds on voyait des marques sanglantes. Elle chantait une chanson joyeuse et se mit à rire bruyamment lorsqu’on entra dans sa prison. Dans le dernier cachot un homme était étendu sur une planche de torture, garnie de pointes de fer. Ce fut le seul dont on tira quelques réponses. Mais il ne dit rien qui pût mettre sur la piste des pieux assassins. Une belle jeune fille avait séduit son cœur et ses sens, finalement elle l’avait attiré dans ce lieu, où on l’avait forcé d’avouer ses péchés et de faire pénitence au milieu d’affreux tourments. Il dépeignait la Pêcheuse d’âmes comme une femme petite de taille, opulente de formes, avec des cheveux noirs. Ce n’était donc pas Dragomira. Par contre ; la description qu’il fit du prêtre répondait parfaitement à l’image que Zésim avait encore devant les yeux.

L’employé fit tout d’abord transporter et installer le malheureux dans une chambre du manoir. Puis on ouvrit la fosse. Glinski avait peur qu’on n’eût tué Soltyk et qu’on ne l’eût enterré dans cet endroit. Il n’en était rien. Ce qu’on trouva, c’était le corps d’une femme tout criblé de coups de couteau. La vieille fut mise en état d’arrestation. Les soldats de police restèrent pour garder le manoir. L’employé revint à Kiew avec deux agents, pendant que les autres, avec Glinski et Zésim, traversaient Chomtschin et se rendaient à Bojary. Ils y trouvèrent l’employé qui venait de fouiller la maison et d’interroger les gens du village, On n’avait absolument rien découvert de suspect. Les serviteurs du manoir et les paysans avaient tous déclaré que les maîtres étaient partis pour Moscou. Une seconde inspection des caves ne donna aucun nouveau résultat.

Ceux qui étaient allés à Okozyn revinrent sans avoir rien découvert. Ils avaient aussi fouillé les caves, mais bien inutilement.

« Je commence à croire qu’ils sont réellement partis pour l’étranger en passant par Moscou, dit enfin Zésim.

— Il nous faut bien le croire, répondit Glinski ; en tout cas, nous avons fait notre devoir. Pour le moment, nous n’avons