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XXIV

LE SACRIFICE

« Je ne trouve aucune pitié !… Les cris de douleur que m’arrachent mes horribles souffrances meurent au loin sans réponse. »
Kolzow.

Henryka, habillée en paysanne, prit un traîneau de campagnards et se rendit de Kiew à Kasinka Mala. Après une inspection attentive et prudente, elle partit pour Okozyn. Quand elle annonça à Dragomira qu’elle avait découvert la retraite d’Anitta, la créature de marbre s’anima, sa poitrine se souleva, les ailes de son nez frémirent comme les narines d’une bête de proie qui flaire le sang ; ses yeux bleus froids et ses joues s’animèrent.

« Enfin ! s’écria Dragomira, enfin ! elle est en mon pouvoir ! Je te remercie, Henryka ; tu me rends bien heureuse ! »

Elle l’attira à elle et l’embrassa tendrement.

« Ce n’est pas assez d’avoir Anitta entre nos mains, dit Henryka, il faut qu’elle nous serve d’appât pour prendre Zésim. Tu as l’esprit inventif pour imaginer des pièges. Trouve un plan, et vite à l’œuvre !

— D’abord, offrons à Dieu la victime que nous avons, répondit Dragomira ; nous songerons ensuite à de nouvelles entreprises.

— Tu as raison, dit l’Apôtre, qui était entré sans qu’on s’en aperçût ; hésiter plus longtemps serait nous perdre tous. Le danger grandit à chaque heure. Qui sait combien de temps encore nous serons ici en sûreté ? Nous avons réussi une fois à tromper ceux qui nous poursuivaient ; une seconde fois nous pourrions échouer. Je vais rassembler tout de suite la communauté nous communierons solennellement et nous offrirons un