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LA PÊCHEUSE D’AMES.

lamment illuminés et les trottoirs remplis d’une foule animée. Elle entra dans une rue silencieuse, sombre et étroite, et ensuite dans une ruelle à peine éclairée par une lanterne à la lueur douteuse. Le cocher arrêta devant une maison de mince apparence, qui n’avait qu’un étage. Les fenêtres étaient hermétiquement fermées, la muraille revêtue d’un enduit de couleur sombre ; le tout avait un aspect lugubre.

Les deux jeunes gens descendirent, et Zésim sonna. Il se passa un certain temps avant qu’une faible lumière se montrât au premier ; puis on ouvrit une fenêtre, une vieille femme regarda dehors et se retira. On entendit alors des pas lourds, la porte s’ouvrit, et un petit serviteur maigre avec une chevelure et une barbe blanches sortit de la maison, une lanterne à la main. Il plia le genou devant Dragomira et baisa le bord de sa robe, puis il se mit à décharger les bagages.

« Pour aujourd’hui, je te dis adieu, dit Dragomira en s’adressant à Zésim, je suis fatiguée et je désire être seule. Le cocher te conduira chez toi. Demain matin, je t’attends pour le thé. » Elle lui tendit une main qu’il baisa respectueusement. Puis il remonta dans la voiture et partit, pendant que Dragomira, conduite par le petit vieux, montait l’escalier.

En haut, elle trouva une vieille dame simplement habillée. Elle avait un visage rose, presque jeûne, des yeux bleus malins et des cheveux blancs qui sortaient en abondance d’un bonnet de couleur sombre. Elle s’inclina profondément devant Dragomira et lui baisa humblement le coude.

« Cirilla ?

— Pour vous servir, ma jeune maîtresse.

— Tu es au courant de tout ?

— Oui.

— Pour le monde, tu es désormais ma tante.

— À vos ordres, et pour tout le reste votre esclave. »

Elle conduisit Dragomira à travers plusieurs salles meublées avec un luxe sérieux, jusqu’à une petite chambre où se trouvait un lit à baldaquin.

« C’est ici que vous reposerez, maîtresse.

— Bien. »

Cirilla aida Dragomira à changer de vêtements, et celle-ci, bien à l’aise dans une casaque de fourrure, vint s’asseoir à la table de thé. Cirilla, debout devant elle et les mains croisées sur la poitrine, ne pouvait se rassasier de la regarder.

« Que vous êtes belle ! disait-elle en soupirant, et si jeune ! »