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Page:Sacher-Masoch - La Pêcheuse d’âmes, 1889.djvu/47

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LA PÊCHEUSE D’AMES.

— J’attends votre commandement.

— Allons, en avant ! sautez ! »

Zésim prit son élan, et d’un bond souple et gracieux franchit la haie.

« Encore, hopp ! »

Nouveau bond, nouveau succès. Anitta riait et battait des mains avec une joie d’enfant.

« Maintenant, le mouchoir. Apporte ! »

Zésim l’apporta.

« Et maintenant… »

Anitta s’arrêta et rougit.

« J’attends le commandement.

— Eh bien ! à genoux ! »

Il obéit avec plaisir.

« Mais maintenant, je demande aussi du sucre. »

Le rire enchanteur de la jeune fille retentit de nouveau dans le jardin silencieux, et sa jolie voix au timbre argentin trouva un écho mélodieux dans les cimes des arbres d’où lui répondirent les pinsons et les mésanges.

« Voilà ! dit Anitta. »

Et elle poussa avec ses doigts roses un morceau de sucre dans la bouche de Zésim. Elle releva alors le jeune homme qui était toujours à genoux devant elle, et lui demanda s’il était fâché.

« Pourquoi donc ?

— Je suis si mal élevée ! Mais vous verrez bientôt que je n’ai pas de mauvaises intentions et que, malgré tous les tours que je vous joue, je suis bonne au fond.

— Est-ce vrai aussi ?

— Sans doute ; pourquoi ne le serait-ce pas ? »

Il avait pris sa main et la baisait. Elle la lui retira enfin et lui tendit son épée.

« Maintenant, allez-vous-en, Zésim, j’ai aujourd’hui une leçon de piano. Mais revenez bientôt dans l’après-midi, s’il fait beau, pour qu’on puisse jouer dans le jardin. Demain, peut-être.

— Je reviendrai, je suis heureux que vous me le permettiez. »

Ce jour-là, dans l’après-midi, Oginski reçut une autre visite, tout aussi inattendue, celle du père jésuite Glinski.

C’était un de ces prêtres polonais qui réunissent dans une seule personne l’homme du monde distingué, l’ardent patriote