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X

LE LOUP

La rose n’est jamais si belle que quand elle ouvre ses boutons.
WALTER SCOTT.

C’était une fraîche après-midi ; mais il y avait un beau soleil et le temps était agréable. Zésim était venu faire visite aux Oginski. Quand il eut ôté son manteau, on le conduisit au jardin où Anitta et ses jeunes amies jouaient aux grâces sur la grande prairie.

Dès que les jeunes dames aperçurent le charmant officier, chacune d’elles eut immédiatement quelque chose à arranger à sa toilette. Anitta seule n’eût pas l’air d’y songer. Elle vint rapidement et sans aucune coquetterie à la rencontre de Zésim, et lui tendit la main. Ses joues étaient aussi roses que ses yeux étaient brillants ; sa jaquette de velours bleu, doublée et bordée de skung, craquait aux coutures à chaque mouvement de ce corps vif et agile : on eût dit une rose qui va rompre les murs de sa prison parfumée.

« Quelle chance de vous avoir ! dit-elle, nous allons courir comme il faut. »

Elle le présenta à ses amies, qui, de leur côté, firent leur plus belle révérence. Il y avait là Henryka Monkony, une sylphide élancée, aux épaisses nattes blondes et aux yeux bleus enthousiastes ; Kathinka Kalatschenkoff, grande, fière, avec un impertinent petit nez, des cheveux noirs et le regard d’une gazelle ; enfin Livia Dorgwilla, une blondine potelée, avec un profil d’une finesse ravissante.

« Jouez-vous aux grâces avec nous ? demanda Livia lentement, comme si les mots étaient trop lourds pour sa langue.