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XIII

l’infirmière

C’est de l’enfer que me vient cette pensée.
SILVIO PELLICO.

Dragomira venait de s’éveiller, lorsque Sergitsch arriva avec un message important.

« Il faut partir sur-le-champ, noble demoiselle, dit-il, c’est une affaire des plus sérieuses ; l’apôtre ne veut la confier qu’à vous, parce qu’il vous sait prudente et résolue. Vous vous rendrez aujourd’hui à Mischkoff, en qualité d’infirmière de notre confrérie, auprès de Mme Samaky. C’est une veuve d’un certain âge, qui vit seule. Elle a une fièvre typhoïde. Avez-vous peur de la contagion ?

— Non, je ne crains rien. Je sais maintenant que le ciel a besoin de moi, et je suis partout dans la main de Dieu.

— Alors, venez.

— Laissez-moi seulement deux minutes pour m’habiller. »

Sergitsch sortit de la chambre, et, en quelques instants, Dragomira fut prête à partir. Après avoir donné différentes instructions à Cirilla, elle quitta la maison avec Sergitsch et se rendit chez lui pour prendre la robe et le mouchoir de tête d’une infirmière. Elle était étrangement belle dans ce costume de religieuse ; son visage surtout, ordinairement austère, avait la douce expression d’une figure de madone. Quand Sergitsch l’eut enveloppée dans une grande fourrure de renard qu’il tenait toute prête, il lui remit une lettre cachetée qu’elle ne devait pas ouvrir avant d’être à destination, et la fit monter dans une voiture qui attendait et que conduisait le paysan Doliwa, un de ses affidés. Puis Dragomira quitta Kiew. La