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LA FEUILLE BLANCHE

combien je t’aime. Y a-t-il au monde quelque chose que je pourrais te refuser ?

— C’est là ton sérieux ? fit la comédienne, en jetant sur son adorateur un regard qui le surprit.

— Mon plus grand sérieux.

— Eh bien, donne-moi une feuille blanche avec ta signature.

— Que cela ? s’écria Saint-Renaud souriant.

— Réfléchis bien à ce que tu fais, continua la comédienne, sans cela la chose serait sans valeur. Songe à tout ce qu’on peut mettre sur une feuille blanche. Elle peut te conduire à la bastille, voire même à l’échafaud, te changer en mendiant et en esclave ; elle peut ternir ton honneur, le tacher à jamais ; bref, elle te livre entièrement entre mes mains.

— Alors, pourquoi me la demander ?

— Parce que je veux une preuve de ton amour, repartit Mlle Gaussin avec feu. Seul, le véritable amour peut se confier aussi aveuglément.

— Tu crois ?

La Gaussin hocha la tête en signe d’assentiment.

Saint-Renaud se leva, alla à un petit secrétaire en acajou, prit une grande feuille de papier blanc,