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LA FONTAINE AUX LARMES

Bakhtchissaraï, jardin et capitale de la magnifique presqu’île, et se partagent le butin. Le jeune captif échoit à l’audacieux cavalier qui, pendant le combat, lui jeta son lacet autour du cou et qui le vend à un hébreu à barbe blanche, adonné au commerce d’esclaves.

Le Polonais est jeune, beau et bien fait. Le rusé vieillard sait apprécier une telle marchandise. Il le traite aimablement, l’emmène dans sa petite demeure, lui fait préparer un bain, lui donne de jolis vêtements de laine blanche, un repas abondant et du vin généreux, et l’exhorte à se reposer des fatigues du voyage. Quand le jeune homme est complètement remis, que, dans ses yeux, brille à nouveau le feu de la jeunesse, l’hébreu l’enchaîne à un Caucasien et à un nègre, et les pousse devant lui, comme du bétail, jusqu’au marché où on les étend à côté d’autre marchandise de même nature, sur des nattes de jonc, tandis que leur maître, un long fouet à la main, les surveille d’un air soupçonneux.

De la tour voisine, retentit le chant du Moullah. Des femmes tartares, entièrement enveloppées de voiles blancs, passent. De temps à autre, l’une d’elles fixe ses yeux brûlants et sombres, que seuls