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LA FONTAINE AUX LARMES

certaine, si l’on t’aperçoit ici ? fit une voix douce et attendrie. Fuis aussi vite que tu peux.

— Prends d’abord ces roses, belle fille de Mahomet.

— Elles sont mouillées, dit la voix. Dieu, il s’y trouve des gouttes de sang !

— De mon sang, confirma le jeune homme, que je répandrai avec bonheur pour toi. Laisse-moi seulement voir ton visage.

— Si tu me promets de partir aussitôt, fit la jeune femme brusquement.

— Tout ce que tu voudras, répondit l’esclave toujours à genoux, avec une touchante humilité.

L’odalisque rejeta son voile, découvrant un visage d’une miraculeuse et suave beauté, que des cheveux blonds encadraient. Dans ses yeux bleus au regard limpide, il n’y avait rien de la voluptueuse flamme des Géorgiennes ; mais, en chaque trait, parlait éloquemment une autorité douce et toute la dignité grave de la femme.

Tu n’es pas musulman, fit-elle, tandis qu’il se taisait enivré de sa vue.

— Ni toi non plus, maîtresse. Tu n’es pas fille du Midi.

Elle secoua la tête mélancoliquement.