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LA FONTAINE AUX LARMES

Le jeune homme s’agenouilla aux pieds de sa compatriote, lui baisa les mains et disparut parmi les platanes, d’où il la suivit des yeux. Il la vit descendre jusqu’à la fontaine claire, où d’épais buissons de roses formaient une salle de bain verdoyante et embaumée. Il l’entendit parler avec la vieille et s’ébattre dans l’eau limpide. Quand elle quitta le jardin, il était encore sous les platanes. Elle l’aperçut et lui fit signe de la main.

— Qui salues-tu ? maîtresse, demanda la vieille servante.

— Les étoiles, répondit la jeune femme, elles voient ma patrie et il me semble que mon soupir se joint à leur brillant troupeau, pour aller au pays où mugissent les chênes, où le torrent sort du flanc des rochers en écumant.

Le harem du sultan de la Tauride n’est relié au palais que par un étroit couloir et s’élève au milieu d’un jardin entouré de hautes murailles. Les belles prisonnières du Khan habitent, pareilles à des nonnes, de petites cellules carrées ; mais elles aiment à se réunir autour du jet d’eau, ou à