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Page:Sacher-Masoch - La Pantoufle de Sapho et autres contes, 1907.djvu/179

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LA FONTAINE AUX LARMES

disait orgueilleuse, cruelle. Et me voici reconnaissante à un esclave qu’un signe de moi peut vouer au supplice et à la mort la plus odieuse, je lui suis reconnaissante de ne pas me mépriser, moi, la prostituée, l’odalisque du Khan !

» M’aimes-tu vraiment ?

— Fais-moi mourir, et mon regard, en se brisant, se lèvera encore, chargé de gratitude, vers toi… Et toi, m’aimeras-tu ?

Elle sourit.

— Pas si vite, ami, dit-elle, sois satisfait, en attendant, que je te permette de rêver à moi et de m’aimer.

Rempli d’une silencieuse ivresse, il porta à ses lèvres le bord de la pelisse et, comme elle se levait pour partir, lui baisa le pied avec une impétueuse tendresse.

Depuis, elle revint chaque nuit. La vieille esclave veillait, en bas, auprès de la fontaine, et quand la triste bien-aimée gravissait lentement les terrasses, et qu’il voyait luire l’hermine éblouissante comme de la neige parmi les troncs obscurs, il lui semblait voir la lune ou plutôt le soleil se lever en pleine nuit, comme l’aube de son amour.

Un mois s’écoula. Un soir qu’il était humblement étendu à ses pieds,