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Page:Sacher-Masoch - La Pantoufle de Sapho et autres contes, 1907.djvu/188

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LA FONTAINE AUX LARMES

vrit, ne servit pas plus à la réchauffer, que l’art des docteurs venus de loin.

Elle restait étendue frissonnante, sous la blanche et chaude fourrure. Ses joues brûlaient. Ainsi que le Khan l’avait dit imprudemment, c’était une rose brisée, et, comme une rose, elle se fanait.

Avant que la lune ne fût redevenue pleine, elle mourut, le regard sur le crucifix, le nom du bien-aimé sur ses lèvres, le despote, pétrifié de douleur, à ses pieds.

Quelques instants avant qu’elle ne rendît l’âme, une hirondelle entra par la fenêtre ouverte et vola dans la chambre.

Le Khan montra du doigt, l’oiseau, qui plana un instant au-dessus de la couche, et dit, confiant dans la superstition orientale,

— Cela porte bonheur.

— Oui, dit-elle, il m’apporte le seul bonheur qu’il est pour moi sur terre, la mort.

Le premier sentiment du Khan, auprès de son cadavre, fut une rage contre celle dont la trahison avait amené ce malheur. Il fit coudre Anaïd, pieds et poings liés, dans un sac que l’on jeta à l’eau. Après cela, le maître s’effondra.