Page:Sacher-Masoch - La Pantoufle de Sapho et autres contes, 1907.djvu/19

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
16
LA PANTOUFLE DE SAPHO

moustache noire, mais non aux comédiens impériaux et royaux.

— Mon Dieu, que vous êtes bonne, soupira la vieille. Que Dieu vous le rende ! moi je ne le puis, c’est trop, beaucoup trop.

Enfin la Schrœder elle-même se déclara satisfaite. Elle souleva le pan du fichu de la vieille et, d’un geste hardi, y jeta pêle-mêle les bank-notes, les pièces d’argent et les monnaies de cuivre, lorsqu’au moment de rapporter l’assiette, elle dut la tendre une fois encore : son adorateur, le gentilhomme polonais, surgit inopinément, la tête découverte, offrant un billet de 50 florins.

Un regard rayonnant de la femme adorée fût sa récompense.

— Cela suffira bien pour quelque temps, n’est-ce pas, Muller ? dit la tragédienne en se tournant une dernière fois vers sa camarade. Puis, tu reviendras, n’oublie pas, Muller, promets-moi de ne pas oublier !

Mais les badauds de Vienne n’abandonnèrent pas aussi facilement leur comédienne favorite. Ils l’escortèrent au delà du marché aux chevaux jusqu’au Graben, où elle dut se réfugier sous la voûte de la « Chatte » jusqu’à ce que la foule se fût dispersée.