Page:Sacher-Masoch - La Pantoufle de Sapho et autres contes, 1907.djvu/196

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
193
LOUP ET LOUVE

Bientôt, tous deux eurent disparu dans un nuage de poussière et le moine retourna à sa chronique. Une heure plus tard, nos hardis compagnons s’arrêtaient devant un carrefour et réfléchissaient.

— Il y a longtemps que je n’ai foulé ce sol, Guillaume, dit le plus élégant des deux, qui était aussi le plus âgé, à son compagnon de route, et pourtant je jurerais que c’est le chemin de droite qui conduit au Gabaret.

— Consultez votre cœur, repartit le plus jeune, dans le mélodieux idiome de la Provence. Vous serez sûr de ne point vous tromper.

— Que sais-tu de mon cœur ? repartit le fier troubadour à son serviteur.

— Celui-ci ne se soucia pas de répondre, sinon par une chanson :

D’amour la nature est telle
Qu’il rend plus sage l’homme sage
Et plus fol l’insensé.

Le maître sourit et prit en silence le chemin qu’il avait indiqué. C’était un homme vigoureux, encore beau, d’une quarantaine d’années. Son noble visage, aux yeux ardant d’un feu sombre, était, selon la mode du temps, complètement