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LOUP ET LOUVE

comme une louve, mais encore prudente comme un serpent. Dois-je te faire un aveu ? Il fut un temps où je voyais avec plaisir Peire Vidal, le troubadour. Je l’accueillais volontiers, mais j’accordai ma main au chevalier de Gabaret. J’étais alors jeune fille et sans expérience. Aujourd’hui, je suis femme et j’aime le vaillant et beau comte de Foix avec toute l’ardeur d’un cœur de femme déçu à qui l’on a volé son bonheur. Je l’aime comme, seule, la louve peut aimer. Mais le serpent est prudent, trop prudent pour ne point choisir Raimond le troubadour.

Diane secoua la tête d’un air de désapprobation.

— Tu ne comprends toujours pas pourquoi la noble suzeraine choisit un vil amant ? N’oublie pas que l’art ennoblit comme la vaillance. Ventadour était le fils d’un charbonnier, il trouva grâce devant Éléonore de Normandie. Je veux commander aux chants de Raimond comme à autant de vaisseaux et, de ses chants, je fustigerai, comme avec des lanières, jusqu’au sang, tous les railleurs qui oseraient m’approcher. Je renverserai mes ennemis et les blesserai au cœur, et, s’il le faut, je les tuerai, aussi vrai que je suis Loba, la louve.