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LOUP ET LOUVE

sembla que le sol manquait sous ses pieds et que le firmament se couvrait. Mais son visage n’exprima qu’un sourire insolent et railleur.

— Un poète, commença-t-il gaîment, ne saurait offrir sa couronne aussi simplement. Les fleurs qu’il enlace autour de sa belle, sont de nature particulière, un parfum immortel y demeure fixé et elles ne se fanent jamais. C’est pourquoi je veux, avant de rendre hommage à une dame que tout le monde connaît, vous raconter une histoire.

— Une nouvelle ? questionna Diane d’Obilot.

— Plutôt un conte, répondit Raimond, ou ce que vous voudrez l’appeler.

Toute la société prit place sur le gazon et Raimond de Miraval prit la parole.

— Il y avait une fois une petite violette de nuit, une modeste et silencieuse fleurette, dont l’âme exhalait un parfum exquis. Elle avait poussé dans un coin isolé, à l’écart des autres filles du printemps ; mais elle levait les yeux, tout comme les autres, vers le soleil, quand le fier et brillant roi du jour apparaissait au firmament. Puis, lorsque son char d’or s’engloutissait dans l’Océan, elle fermait, comme les autres, sa corolle, et balançait ses pétales en un rêve odorant. Et le soleil semblait, de