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Page:Sacher-Masoch - La Pantoufle de Sapho et autres contes, 1907.djvu/267

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LOUP ET LOUVE

Tous deux en arrivèrent à former un épouvantable duo, qui fit se dresser les cheveux de tous ceux qui l’entendirent et, bientôt, les chiens du voisinage unirent leurs voix à ce concert. À la tombée de la nuit, le troubadour vêtu en loup quitta l’abri que lui offrait la cabane de Privol. Il marcha debout, en se hâtant, jusqu’à ce qu’il eût atteint le fourré, redoutant, malgré tout, de tomber entre les mains des bergers ou sous les crocs de leurs chiens. Dans la forêt, les ténèbres étaient si complètes que le faux maître Isengrin heurta à plusieurs reprises sa tête contre les troncs. Il dut bientôt renoncer à pénétrer plus avant et s’assit sur la mousse humide, où il resta jusqu’à ce que la lune parut au-dessus des cimes rocheuses, inondant la montagne et la plaine et jusqu’aux gorges les plus profondes et humides, de sa lumière argentée.

Par de belles nuits, les bergers aiment à rester dehors avec leurs troupeaux. À Gabaret, des chants joyeux saluèrent, de toutes parts, l’ascension de l’astre d’argent. Tout à coup, Vidal perçut près de lui un bruit de voix claires, semblant appartenir à des jeunes filles. Poussé par la curiosité, il avança et vit une clairière sur laquelle une dou-