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LA PANTOUFLE DE SAPHO

de tête imposant que possédait avant elle l’auteur du Faust, et qui la faisaient paraître plus haute qu’elle ne l’était en réalité.

Il n’était pas une grande dame, pas une souveraine, qui ne lui eussent envié sa distinction native et l’empire qu’elle exerçait sur les mortels. Elle semblait née pour voir un peuple à ses pieds, tant son regard était dominateur.

Sa situation matérielle eût pu être brillante, mais ne l’était point, parce qu’en vraie fille de l’art, la Schrœder n’entendait rien aux choses pratiques, et sa délicatesse s’opposait à ce qu’elle se laissât entourer, par ses adorateurs, de ce luxe princier que possèdent de nos jours les plus insignifiantes comédiennes.

Sophie avait une idée trop haute de l’amour, de l’art et d’elle-même, — surtout d’elle-même, — pour se faire payer ses faveurs avec des diamants. Si elle souriait à un homme, ce sourire partait du cœur, et si elle consentait à l’enivrer, elle voulait être elle-même heureuse de toute son âme. La courtisanerie qui engendre le dégoût et dont, à l’heure actuelle, souffre et se meurt l’art dramatique, lui était complètement inconnue.