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EAU DE JOUVENCE

Ce disant, elle s’empara de la main droite de la jeune fille tremblante, et lui enfonça entre l’ongle et le doigt, une longue épingle qui se trouvait sur sa table de toilette.

— Cela fait mal ? dit-elle doucement, en épiant la malheureuse, qui poussa un cri déchirant.

— Horriblement, gracieuse dame, gémit la suppliciée.

— Eh bien, donne le second doigt, commanda l’impitoyable femme. Et, sous chacun des ongles, elle enfonça une aiguille, jouissant des contorsions de la pauvre fille en larmes.

Lorsqu’elle se retrouva seule en conversation familière avec Emmerich, celui-ci lui dit :

— Jamais je n’aurais cru possible, Comtesse, qu’une aussi belle personne pût être aussi cruelle.

— Et pourquoi pas ? Il y a de la volupté à torturer, comme à régner. La beauté nous en offre l’occasion, nous serions bien folles de ne pas en profiter.

— Peut-être vous ai-je jugée trop promptement, reprit Emmerich. Pardonnez-moi. Mon excuse est que je ne connais pas votre sexe. Vous êtes la première femme dont je me sois approchée.