Page:Sacher-Masoch - Le legs de Caïn, 1874.djvu/170

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femme, repartit Mihaël en déposant un baiser sur ses cheveux.

Olga prit une épingle pour fermer son peignoir, et descendit le perron au bras de son mari. C’était une tiède matinée de juin : l’air était parfumé par la franche et bonne odeur du foin nouveau ; la terre, qu’inondait une lumière chaude, se couvrait de petits nuages blanchâtres ; sur la grande route qui passait devant le château, une bande joyeuse de moineaux se baignait en piaillant dans la poussière. Mihaël examina le petit fusil, l’épaula, puis le remit à Olga, et lui montra comment il fallait le tenir. Elle visa d’abord une pomme qui brillait entre les feuilles, puis une hirondelle qui passa. Ensuite Mihaël chargea l’arme sous ses yeux ; elle le regardait faire pendant qu’il introduisait la cartouche, plaçait la capsule.

― Maintenant, dit-il, vise la pomme… plus haut !

Le coup partit, des feuilles s’envolèrent.

― À présent, charge toi-même ; la seconde fois cela ira mieux.

Le fusil chargé, Mihaël, qui avait cherché un but, lui désigna les moineaux qui frétillaient sur la route. Elle n’eut pas d’hésitation. Les petits braillards nageaient, à ailes déployées, dans la fine poussière blanche et chaude, plongeaient et reparaissaient tout contents avec des têtes empoudrées, voletaient, se chamaillaient, se culbutaient avec un vacarme effréné. Le coup part ; un cri sort de plus de vingt petits gosiers ; lourdement l’essaim s’élève et va