Page:Sacher-Masoch - Le legs de Caïn, 1874.djvu/209

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semé d’étoiles, Vladimir récitait des morceaux de ses poètes favoris. Puis, après la moisson, on entreprit une excursion dans les Karpathes. Mihaël formait l’avant-garde avec l’Houçoule[1] qui leur servait de guide, Vladimir menait le cheval d’Olga par la bride. Ils firent l’ascension de la Montagne-Noire, virent le lac sans fond qui en décore le sommet, et des plus hautes cimes contemplèrent l’immense plaine étalée à leurs pieds.

Quand l’hiver vient ensuite les confiner de nouveau à la maison, l’amour leur tapisse de roses et de myrtes les vieux murs, et les muses remplissent de lumière et de mélodie le petit salon où l’on se réunit le soir. Mihaël s’installe sur le sofa avec les enfants ; Olga se met au piano, et Vladimir prend l’un des petits fauteuils. Elle joue les compositions des grands maîtres allemands, ou bien elle chante avec Vladimir un des chants mélancoliques du peuple petit-russien. ― Une fois que l’étang a gelé, ils passent plus d’une heure agréable à patiner au soleil, et Vladimir lui apprend à tailler des arabesques dans la glace.

Cependant elle a aussi ses heures de peine et de tristesse, où le remords l’assaille, où elle voudrait tout dire à son mari, expier son coupable bonheur. Elle se tourmente, s’accuse, se désespère ; mais tous les nuages se dissipent dès qu’elle se retrouve dans les bras de Vladimir, et alors elle est heureuse complétement…

Pas complétement. Vladimir se tait ; mais sur

  1. Montagnard des Karpathes galiciennes.