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Le jour suivant, vers minuit, le prince Maniasko se trouvait assis dans le petit et coquet boudoir de sa fiancée, et, tandis que la princesse, avec un sourire hautain et railleur, exprimait le désir de voir, au moins une fois, cette dompteuse qui étonnait tout le monde, il roulait de ses fines mains la cigarette qu’il lui destinait. Le frêle rouleau de papier trembla entre ses mains et le tabac aux reflets d’or s’épandit sur ses doigts blancs.

— On m’a tant dit de choses remarquables de cette personne, fit Agrafine d’un ton malicieux, que je me suis mis en tête, d’assister à l’une de ses représentations, voire aujourd’hui même, en votre compagnie, prince.

Comme ce soir là la Suédoise pénétrait dans la cage aux lions, elle aperçut Maniasko ayant à son côté une jeune et séduisante dame qui la provoquait en la fixant de sa lorgnette. Ce ne pouvait être que la fameuse princesse, sa fiancée. Elle le sentit de suite et se mit à trembler. Néanmoins son émotion ne dura qu’une seconde, et, se ressaisissant, elle procéda froidement et courageusement au travail de ses fauves. Comme, après un tour d’adresse plus fatigant que les autres, elle se reposait sur le dos du plus fort de ses lions, tandis que les autres étaient étendus à ses pieds, la princesse lui adressa de