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les genoux aux étriers, sauta elle-même en selle, et saisissant la bride du cheval de Stephan, elle partit au galop, entraînant avec elle sa pauvre victime, à travers la plaine.

Après une course sauvage de plus d’une heure, elle ramena le jeune homme au château, plus mort que vif. Quand on l’eut détaché, il était incapable de descendre seul de cheval ; les palefreniers dûrent le soulever dans leurs bras, et le porter jusques dans sa chambre. Loin de manifester la moindre pitié, Kasimira se prit à rire et à railler son innocent souffre-douleur.

Étendu sur un vieux sofa râpé, tous ses membres endoloris et comme roués, l’infortuné jeune homme réfléchissait et cherchait à comprendre comment il avait pu exciter à ce point l’aversion de cette femme qu’il aimait tant ; car la façon dédaigneuse et cruelle dont elle le traitait, depuis quelque temps, ne pouvait être inspirée que par la haine. Sur ces entrefaites, il arriva une chose que Stephan n’aurait jamais osé espérer, Kasimira entra dans sa chambre, s’assit à son chevet, lui témoigna une grande compassion, et continua de causer avec lui avec une amabilité qu’il ne lui avait jamais connue.

Il fut à la fois surpris et charmé ; pourtant, ce ne fut pas tout. Soudain, cette femme, si fière et si belle, entoura de ses bras la tête de Stephan,