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LES PRUSSIENS D’AUJOURD’HUI

questionne et découvre enfin que les « douze assortis » à moustaches noires sont les hussards, gardes du corps du prince, qui ont changé de costume pour fonctionner, tour à tour, comme généraux, piqueurs et choristes.

C’est ainsi que le garçon de bureau apparaît chez le conseiller aux finances, le matin, en qualité de cireur de bottes, qu’il se met ensuite au service des dames pour leurs commissions, leurs visites en ville et au théâtre ; que, lorsqu’il y a du monde à table, il endosse une livrée que madame Teschenberg a achetée à un marchand d’habits ; que, quand les maîtres sortent en voiture, il se transforme en cocher pour conduire les chevaux loués aux pompes funèbres, et qu’enfin il se démène dans la cuisine en veste blanche, casquette plate, chaque fois qu’il y a soirée chez les Teschenberg.

S’il est vrai que la vie soit surtout une comédie, celle qui se jouait dans la famille du conseiller était bien la plus piètre que l’on puisse voir.

Le matin, une tasse de café sentant le pétrole ; à une heure, trop à manger pour mourir de faim, pas assez pour engraisser ; le soir, régulièrement, pommes de terre et hareng.

À ce prix, on balaye les rues de la résidence avec une traîne de soie ; on a des meubles en velours au salon, et on se montre au théâtre dans