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AMOUR ALLEMAND

tineur étranger faisait sensation au plus haut point et d’une tout autre manière.

C’était un homme de vingt à vingt-cinq ans, au corps souple, vigoureux, admirablement dessiné par l’espèce de pantalon hongrois, la veste richement brodée qu’il portait, à la barbe fine, à l’œil plein de défi sous ses épais sourcils bruns. Personne ne le connaissait, et il semblait ne connaître personne ; il n’en patinait pas moins à la satisfaction de chacun, y compris les curieux sur le bord.

Il commença par déployer une habileté que la plupart des spectateurs considéraient comme le dernier mot de l’art du patinage ; il continua en éclipsant tout ce qu’on avait vu jusqu’alors dans la résidence, et finit même par s’éclipser lui aussi. Avec son patin, il écrivit sur la glace tout aussi bien que le meilleur calligraphe avec sa plume sur une feuille de papier ; il tourna sur lui-même comme une toupie hollandaise ; il sauta, franchit des obstacles, comme s’il avait eu sous les pieds deux chevaux de course au lieu de deux patins ; il dansa mieux que le meilleur danseur sur un parquet, comme un maître de ballet.

Tout le monde demeurait immobile à le contempler ; on ne parlait plus que de lui, et lorsque Andor tomba deux fois encore en revenant au