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LA COUPE DE L’ARC-EN-CIEL

mademoiselle Teschenberg, embrassant la fillette, mais il n’est pas aussi absurde qu’on pourrait le croire. À mes yeux, le sens de ce conte est profond, plein d’enseignement sérieux.

— Vraiment ! fit le père d’un ton un peu sarcastique.

— Certainement. Pour moi, cette coupe de l’arc-en-ciel est l’image de l’homme, de ses efforts fiévreux, de sa chasse vers le bonheur. Là-bas, juste à l’endroit où l’arc-en-ciel touche la terre, il y a réellement une coupe remplie d’or et de pierres précieuses d’une valeur incalculable. Mais quand tu essayeras, chère enfant, d’aller au ruban de couleurs qui paraît lier le ciel à la terre, pour y chercher la coupe, le ruban s’éloignera toujours, toujours ; et avant que tu aies atteint son point de jonction avec la terre, il aura disparu, emportant la coupe avec lui, et tu te trouveras seule, les pieds meurtris, perdue dans le vaste monde. Les pierres précieuses de cette coupe, ce sont nos belles illusions, nos rêves sublimes, nos grandes pensées, notre idéal. Malheur à nous, si nous courons après ce ruban brillant ! Nous ne trouverons jamais la coupe aux diamants et nous apprendrons trop tard qu’il n’y a point de pont conduisant de la terre au ciel. As-tu compris, mon enfant ? Garde-toi donc de courir après ces pierres du conte ; con-