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LES PRUSSIENS D’AUJOURD’HUI

joué, spéculé, et son gain avait fait tomber entre ses bras une jolie femme, la femme de ses rêves, la femme qu’il aimait, qui, lorsqu’elle voulait, faisait vibrer toutes les fibres de son être.

Valéria était revenue finir son engagement, et n’avait nullement songé à faire savoir au riche fabricant qu’elle rompait ses relations avec lui. De sa part, le procédé était certainement noble et grand. Quelle est la femme de théâtre qui eût voulu se sacrifier ainsi, à son exemple ? Personne ne doutait de son affection pour Plant. Les actrices du théâtre de la ville se moquaient déjà d’elle, et les messieurs élégants commençaient à la trouver ennuyeuse. Une actrice faisant du sentiment ! Y a-t-il rien de plus étrange ?

Mais Valéria s’abandonnait à cette nouvelle liaison avec une liberté, un entrain bien faits pour émousser la pointe de toutes les plaisanteries dictées par de bons sentiments, aussi bien que de toutes les fausses condoléances. Jamais elle n’avait été si contente, si joyeuse de vivre.

Probablement, cela l’amusait maintenant qu’elle avait le cœur froid, endurci, de voir à ses pieds, mendiant son amour comme un affamé un morceau de pain, l’homme qui l’avait dédaignée, rejetée loin de lui, alors qu’elle lui donnait la virginité de sa tendresse.