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SOUS PRÉTEXTE D’IDÉALISME

ses hanches arrondies, n’est pas jolie et par conséquent convenable, en costume à la française. Elle avait donc revêtu le costume en velours à coupe russe : un pantalon large, tombant en plis épais sur les hautes bottes, un long paletot et une casquette ronde emprisonnant ses cheveux noirs. Sous cet accoutrement, elle avait tout à fait l’air d’un beau jeune homme, et ses mouvements étaient souples, gracieux, soit qu’elle tint la queue, qu’elle restât près de la bande à suivre de l’œil la bille de son adversaire, soit qu’elle s’allongeât à demi sur le billard pour jouer un coup difficile.

Tous les spectateurs lui accordaient une attention soutenue. On ne jouait plus aux tables ; on ne lisait plus les journaux ; dans la salle régnait une gaieté silencieuse, qui n’était troublée que par la voix de Rosenzweig comptant les points.

Pendant la dernière partie, il se fit tout à coup un grand mouvement dans l’assistance. Un gros cuirassier venait d’entrer en compagnie d’un petit garçon assez grêle, ayant un havane entre les lèvres et portant des habits très-élégants qui flottaient sur lui de tout côté.

Valéria jeta un regard sur ce personnage et elle reconnut la comtesse Bärnburg, qui se mit à la fixer à travers son lorgnon avec toute cette impertinence à l’usage d’une dame du grand monde ou